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Carte blanche – Au nom de la terre et de ses habitants, nous affirmons notre soutien à la « ZAD » d’Arlon

Nous affirmons notre soutien aux habitants de la « Zone à défendre » d’Arlon sur laquelle doit prendre place un espace industriel. Il est nécessaire de faire de ce lieu, symbolique et réel, un terrain respectueux du vivant et de l’avenir.

Cela fait maintenant plus d’un an et demi que la Zad (pour « Zone à défendre ») de Schoppach, située à Arlon, est née d’un appel citoyen pour interpeller le bourgmestre, afin d’empêcher sa destruction au profit d’un zoning industriel. Suite aux rumeurs, fondées ou non, d’une expulsion possible des zadistes ce 26 janvier, nous avons voulu nous joindre à l’élan de celles et ceux qui se mobilisent pour enrayer cette nouvelle atteinte au tissu du vivant et encourager un autre rapport entre citoyens et politiques. Et à leurs côtés, nous voulons (re)dire en quoi cette menace de destruction de deux communautés est à la fois absurde et opposée au sens de l’Histoire.

Pour la biodiversité

La première communauté concernée est celle du petit écosystème (31 hectares quand même) « d’autres qu’humains » qui y vivent. Une communauté d’espèces qui s’est elle-même reconstituée, suite à l’arrêt d’exploitation d’une sablière, créant un de ces milieux semi-artificiels si précieux pour le maintien de la biodiversité en région wallonne. La devenue bien-nommée « Zablière » abrite (ou abritait) ainsi plusieurs espèces de plantes, d’oiseaux, d’amphibiens – dont l’emblématique triton crêté -, de papillons ou encore de sauterelles rares pour la Wallonie, voire l’Europe, dont certaines sont protégées. Une richesse suffisante pour avoir été repérée et qualifiée par la Région wallonne de « site de grand intérêt biologique ».

Et c’est là que les citoyens intéressés découvrent avec consternation que cette protection théorique est en fait plus qu’aisément contournable, fait l’objet de pénibles marchandages (presque toujours à la baisse pour la faune et la flore) et s’avère en définitive complètement inefficace, alors même que la situation de la biodiversité est de plus en plus alarmante, à toutes les échelles. Rappelons qu’en ce qui concerne les insectes des publications récentes ont confirmé le diagnostic catastrophique établi par la fameuse étude allemande de 2017 : 75 % des populations d’insectes volants ont disparu en 25 ans, y compris dans les réserves naturelles. N’est-ce pas une raison de plus pour faire notre part, même en dehors des réserves et autres zones Natura 2000 ? Et pourtant en région wallonne comme ailleurs, « c’est l’économie, idiot ! » Nul n’est censé ignorer la loi, mais qu’en est-il de détourner son esprit ? Dans cette histoire comme dans d’autres, que les pouvoirs concernés ne s’étonnent pas de la défiance des jeunes (et moins jeunes) à leur égard…

Pour l’humanité

Et c’est là que surgit la seconde communauté, celle des derniers arrivés, celle des humains. Car, pour ceux qui s’engagent, devenir zadiste, ce n’est pas une option, c’est une nécessité ! Il serait temps que nous nous mettions à leur place : presque 50 ans après la publication du rapport « Halte à la croissance » du club de Rome, 33 ans après la création du Giec, 30 ans après la Conférence de Rio, six ans après les accords de Paris sur le climat, et – encore plus pertinent pour la Zablière – trois ans après la naissance d’Extinction Rebellion, où en sommes-nous dans l’évolution des indicateurs des deux plus grandes menaces pour l’habitabilité de la Terre (climat et biodiversité) ? Nulle part ! Le coronavirus est le seul qui a permis d’un tout petit peu ralentir la course folle, mais pour tenter de repartir aussi vite à coups de plans de relance plus ou moins verts.

Et pendant ce temps, que font les zadistes ? Ils s’organisent, se rencontrent, s’impliquent, tentent de freiner illégalement la destruction légalisée du vivant, s’interrogent sur l’incompréhensible irresponsabilité de leurs aînés, expérimentent l’entraide, tissent des réseaux, inventent le monde d’après. Celles et ceux de Schoppach, vont-ils se faire dégager comme des objets encombrants, parce que freinant la marche destructrice d’une culture devenue autiste ? Vont-ils encore ressentir leur colère augmenter face à la réaction de rejet hautain (voire violent) de la génération la plus émettrice de gaz à effet de serre ? Vont-ils avoir réponse à ce qui est en train de devenir la question de leur génération : l’illégalité est-elle la seule voie pour démontrer ce qui est le plus juste étant donné les urgences d’aujourd’hui ? Vont-ils résister au découragement et s’engager sur l’inévitable Zad suivante, pour préparer « la fin de la méga-machine », pour remettre en question l’agriculture intensive, la croissance infinie dans un monde fini, la compétition comme mantra, et enfin la disqualification de la nature par notre culture ? Pour y continuer leur travail de laboratoire en expérimentant pour « l’après » un autre rapport au pouvoir, aux « communs », et au vivant ? Ou bien vont-ils craquer et se réfugier dans la déprime ou la surconsommation, plus ou moins virtuelle (plutôt plus en ces temps de « Corona-Vida », pour le plus grand plaisir des Gafam [les géants du numérique NdlR]) ?

Alors pensons au commanditaire de tout cela : Idelux… une association d’intercommunales. « Intercommunale », est-ce que cela aurait un rapport avec le mot « communauté » ? En 2021, à l’aube de la sixième extinction et du siècle du changement climatique, est-ce vraiment nourrir la communauté que de construire un énième espace industriel, aux dépens d’espèces protégées ? N’est-ce pas le moment pour nos édiles d’enfin comprendre leur interdépendance radicale avec tous celles et ceux, arbres, champignons, insectes et vers de terre, qui veillent sur la santé de la biosphère ? Mais aussi d’écouter sérieusement l’interpellation de ces jeunes (électrices et électeurs) en colère, désabusés et incrédules, révoltés de ne pas être pris en compte pour des décisions qui engagent leur avenir bien plus que le nôtre ? Le « grand chantier » n’est-il pas d’enfin (re)devenir « Terrestres », dans le sillage de cette génération courageuse, ne mérite-t-il pas de sacrifier un « petit chantier » pour en faire un espace protégé, à la fois symbolique et réel ?

Avec tout notre soutien pour le petit peuple de la ZAD.

La carte est parue dans La Libre du lundi 25 janvier 2021.

Signataires :

Gauthier Chapelle – ingénieur agronome, auteur in-Terre-dépendant et papa

Alain Damasio – auteur

Nathalie Grandjean – philosophe, féministe, Université de Namur et Sophia

Marc Lemaire – pour la coalition Kaya

Boris Libois – philosophe et membre actif de Extinction Rebellion

Corinne Morel Darleux – écrivaine et conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes

Pablo Servigne – ingénieur agronome et auteur in-Terre-dépendant

Pierre Stassart – professeur ULiège, sociologie environnement, Arlon

Isabelle Stengers – philosophe, ULB

Vincent Wattelet – écopsychologue, cofondateur du Réseau Transition et de Mycélium

Olivia Szwarcburt – coordinatrice de Rencontre des Continents ASBL et Mères au Front

Sébastien Kennes – activiste, acteur des Temps Présents, Occupons le Terrain

Patrick Dupriez – président d’Etopia

Thomas d’Ansembourg – auteur et enseignant en Communication Non Violente

Marjolein Visser – professeure d’Agro-écologie, ULB

Wilfrid Lupano – scénariste de bandes dessinées « Les vieux fourneaux »

Dan Van Raemdonck – professeur de linguistique française, ULB

Guirec Halflants – membre du Conseil d’Administration d’IDÉLUX

Francis Dupuis-Déri – professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal

Sébastien Laoureux – département de philosophie, université de Namur

Ilios Kotsou – PhD, maître de conférences au CRPSI, Emergences

Eric de Kerme – directeur de la rédaction du magazine Terre sauvage

Geneviève Azam – auteure, maître de conférences en économie et chercheuse à l’université Toulouse-Jean-Jaurès

Pierre Ozer – UR Sphères, professeur à l’ULiège

Maxime Combes – économiste, porte-parole d’Attac France

Pascale Vielle – professeure à l’UCLouvain

Yvan Beck – docteur en Médecine Vétérinaire, président de Planète-Vie

Alessandro Pignocchi – anthropologue, zadiste et auteur de bandes dessinées

Raphaël Stevens – auteur, expert en résilience socio-écologique

Maye Vandenbussche – médecin généraliste, co-fondatrice de Docs for Climate

Cédric Libert – maitre de conférence à l’UNamur, enseignant, militant

Brigitte Pétré – conseillère provinciale Ecolo, Arlon

Séverine Lagneaux – anthropologue, professeure invitée à l’UCLouvain

Carl Vandoorne – co-fondateur de Générations.bio

Corinne Mommen – Terr’Eveille asbl

Alain Poncé – gérant de Dessine-moi un jardin SPRL Habay-la-Neuve

Dorothée Denayer – biologiste et sociologue, chercheuse et enseignante (ULiège, Campus d’Arlon)

Ezio Gandin – Dr en Sciences, ex-président des Amis de la Terre Belgique

Claire Rommelaere – Centre bioéthique UNamur

Szymon Zareba – historien, archiviste et militant écologiste

Julie Hermesse – anthropologue, professeure à l’UCLouvain

Christine Van Acker – auteure multiple

Dr Thomas Orban – médecin généraliste, président Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG)

Gaëtan Vanloqueren – professeur invité, ICHEC

François Thoreau – chercheur en anthropologie des techniques, ULiège

Cécile Cavalade – Knowledge Transfer Officer ULB

Paul De Munck – médecin, Groupement Belge des Omnipraticiens

Cécile Bolly – médecin et guide-nature

Chloé Deligne – historienne de l’environnement, FNRS/ULB

Jean-François Viot – scénariste et auteur dramatique, notamment de « Chaud Devant ! Savoirs et Bobards sur le climat. »

Jean-Michel Longneaux – philosophe, Université de Namur

Geneviève Huon – thérapeute familiale

Lustin Jean-Marie Déom, Habay-la-Neuve

Olivier Chaput – père, associé, consultant, administrateur, citoyen

Marie Bertholet – assistante d’enseignement dans le Master en Agroécologie, Université de Liège

Xavier Bontemps – citoyen actif d’Arlon

Lise Diez- ingénieure agronome et alliée du vivant

Thierry Van Roy – artiste pluriel

Pauline Emond – doctorante à Uliège en sciences et gestion de l’environnement

Myriam Scholtès – médecin, citoyenne engagée dans la transition

Astrid Modera – doctorante UNamur

Guy Denis – écrivain, Léglise

Christine Mahy – directrice du Réseau Wallon de Lutte contre La Pauvreté

Chiny Anne Colla – coordinatrice « Incredible Company »

Grégoire Wallenborn – professeur d’histoire des sciences, ULB

Thierry Paquot – philosophe de l’urbain

Romain Gelin – chercheur au Gresea

Caroline Lamarche – écrivaine

Timoteo – poète

Paul Herman – Actrices et Acteurs des Temps Présents

Fabien et Géraldine – indéfectibles soutiens et conseillère à la ville d’Arlon

Éric Valenne – journaliste et reporter en tourisme et nature

Marie-Pierre Sokal – graphiste et guide de randonnée, Namur

Simon Erkes – citoyen et directeur de Senior Montessori

Raoul Vaneigem – écrivain et philosophe

Marie Loontjens – randonneuse dilettante de la vie ….pour le vivant

Véronique Vanneste – pharmacien

Nathalie Monforti – avocate carolo et citoyenne en colère

Fanchon Daemers – artiste

Moka Teteb gina, infirmière et enseignante, Namur

Geneviève Prumont – traductrice, Vieille en Colère (Forest)

Anne Penders – auteure

Équipe de rédaction du journal Pour

Annie Leroy (Louftémont), Béa Cenné (Arlonaise), Gabriela Caceres, (Arlonaise), Antonin Thomas (citoyen engagé), Isabelle Vranken, Julien Papart, Jean-Pierre Courtois, Amandine Vroman, Serge Raucq (citoyen engagé), Clara Roukaerts, Aline Wauters (Louvain-la-Neuve), Geneviève Mariscal, Samuel Courtois, William Hublet, Jean-Sébactien Zippert, Julien Claisse, Jeanne-Françoise Kreutz (Gedinne), Franca Pacella, Emmanuelle Attout, Françoise Clément, Philippe Marbaix, Lionel Rosoux (Namur).

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