Rendez-nous les saisons.
Rendez-nous les hivers que vos villes ont rendus fous.
Rendez-nous les étés que vos voitures ont étouffés.
Rendez-nous l’automne aux mille couleurs de bruns et de morts.
De décomposition.
Dans le regard d’une vache
Je vis l’histoire de la civilisation
Triste regard de la bête percluse
La vache est toujours déjà
De l’environnement.
Rendez-nous l’aurore claire et bleue des matins sans réverbères.
Rendez-nous les soirs noirs.
Rendez-nous le vent
la pluie
la neige
les torrents qui torpillent les vallées.
Dans le regard d’un chien
J’ai vu la servitude d’un maitre.
Rendez-nous le chant des oiseaux aux dernières lueurs du jour.
NOUS SOMMES DU PARTI DES OISEAUX
Dans le regard d’un Merle du soir
Dans le regard d’une Chouette de la nuit
Dans le regard d’Étourneau en voyage
J’ai vu l’inquiétude de la liberté.
Rendez-nous les étoiles ! Nous partirons à l’assaut du ciel !
Rendez-nous la peur de marcher dans la nuit.
Rendez-nous le bruit des branches mortes qui craquent sous nos pas.
Rendez-nous l’angoisse.
De quoi t’as peur hein, petit ?
La vie c’est là ! tout près ! traverse la rue
Marche marche marche
Marche encore jusqu’à te coucher épuisé
Sous un grand chêne
De quoi t’as peur hein ? Petit ?
De quoi t’as peur ?
La vie c’est la !
Nous sommes du parti des rats
Des vautours, des renards.
Nous sommes du parti des batraciens.
Rendez-nous les chiens.
Et les abeilles.
Et les loups.
Et les vautours
Rendez-nous le danger d’exister
Rendez-nous l’existence !
Rendez-nous la patience !
Rendez-nous la tendresse !
Rendez-nous l’ivresse des grands vins de soleil
Et des grands froids sous la lune !
Rendez-nous la fortune des jours heureux
Que vous avez enfui sous vos ruines
Gisant sur l’asphalte.
Et nos yeux assignés à vos lignes droites !
Nos yeux qui s’épuisent dans vos métries !
Rendez-nous la pluie !
Nous savons que dans la Nuit
C’est encore le soleil qui éclaire.
Rendez-nous l’ennui !
Rendez-nous le privilège de vieillir.
Rendez-nous le silence.
Nous savons l’heure par le chant des oiseaux,
Nous lisons les lendemains dans le ciel.
Nous sommes d’hier déjà – de demain encore
Mais nous peinons à rester aujourd’hui.
Rendez-nous la folie !
Nous sommes du parti des cabanes
aux voix de terre Gleize.
Chiens parmi l’émeute.
Égos conjurés.
Égaux obstinés.
Nous sommes du parti des étangs
qu’un vent
d’ouest rigole.
Rendez-nous le bonheur !
Nous sommes du parti des fleurs
en bataille
contre les tailles
et leurs lignes droites.
Nous sommes du parti des courbes
et des méandres
des petits feux de cendre
et des salamandres.
Et nos âmes ont touchés
de grands feux
de grands froids.
Rendez-nous l’ombre des sapins
Et des pins.
Les chemins tortueux
Qui ne mènent nulle part.
Rendez-nous le hasard.
De quoi t’as peur hein, petit ?
La vie c’est là ! tout près ! traverse la rue
Marche marche marche
Marche encore jusqu’à te coucher épuisé
Sous un grand chêne.
De quoi t’as peur hein ? Petit ?
De quoi t’as peur ?
Nous sommes la tempête qui vient
juste après les oiseaux.
—
Texte de Roland Devresse.
Photo de Lucien Dumesnil.