L’expulsion des défenseurs de la ZAD de Schoppach ce lundi a remis en lumière deux combats, en tout cas deux réalités bien différentes, celles du développement économique d’une part, et celle de la défense de territoires verts en ville ou en périphérie de ville, même si le combat des zadistes est beaucoup plus large et porte sur « un autre monde. »
A Arlon, les zadistes sont intervenus fin 2019 pour répondre à un appel de riverains qui voyaient les derniers espaces verts de ce quartier de Schoppach disparaître sous le coup de projets de lotissements et de parc d’activité économique de l’ex-sablière, un site qui a été qualifié de haut intérêt biologique avant que des débordements d’activités illicites ne perturbent ce statut en parallèle d’une nature qui reprenait ses droits pas toujours en adéquation avec les espèces les plus sensibles.
Depuis le début de l’occupation, deux mondes se sont donc regardés, ont essayé de se parler, mais les vues étaient trop divergentes pour qu’il y ait adéquation, même mineure. Ce mardi matin, un appel a encore lancé pour protester en soirée à Bruxelles contre l’expulsion des zadistes à Arlon. « La Zablière d’Arlon n’est pas une situation isolée et unique », expliquent les sympathisants de la ZAD. « Dans nos villes, nos campagnes et nos quartiers, la logique de prédation de nos espaces de vie à des fins de rentabilité économique prévaut sur le respect du vivant. La ZAD d’Arlon fait (encore) partie de ces lieux qui inspirent révoltes, désirs de vie et de création collective face à la connerie. »
Urgence écologique et sociale
Lundi soir, sur la place Léopold d’Arlon, une sympathisante justifiait aussi la démarche. « Il y a urgence au niveau écologique et social, nous estimons que ces problématiques doivent occuper la première place dans les décisions et orientations des responsables locaux, intercommunaux et nationaux. La ZAD interroge, la ZAD perturbe. Est-ce sur les enjeux qu’elle dénonce, considérés comme non pertinents ou non urgents ? Ou est-ce sur les moyens qu’elle utilise ? Il n’est pas acceptable que l’Etat déploie de tels moyens contre des militants écologistes qui luttent pour la protection de l’environnement et l’avenir des générations futures. »
Cette dichotomie s’est traduite fin 2020 par deux visions sur l’artificialisation des sols et les projets de parcs d’activités économiques. D’une part, Ecolo-Luxembourg présentait son rapport sur le développement de ces parcs et un mois plus tard, Idélux développait sa vision portant sur la nouvelle génération de ces mêmes parcs.
Ecolo Luxembourg s’inquiète « de l’artificialisation des terres en raison de la pression démographique et du développement de l’activité économique, qui aggrave le réchauffement climatique et contribue à une perte de biodiversité. »
Une question qui figure dans la Déclaration de politique régionale de 2019, qui a fixé des ambitions chiffrées pour la préservation des sols, avec le but de plafonner cette artificialisation d’ici 2025 et de mettre fin à l’étalement urbain pour 2050. Mais est-ce encore une priorité, s’était étonnée voici quelques semaines la députée CDH Marie-Christine Schyns ? De fait, la mesure « stop béton » n’est plus jugée prioritaire. Et les sites à revitaliser (SAR) comme la carrière de Schoppach ne figurent pas dans les sites à ne pas artificialiser.
« Il y a suffisamment d’ha à vocation économique »
Ecolo-Lux voulait lancer un débat sur le développement de ces parcs d’activités qui occupent 1800 hectares en Luxembourg, soit 0,42% du territoire. « Nous estimons qu’il y a encore suffisamment d’espace non occupé et qu’il subsiste une marge de 500 à 600 ha disponibles », relevait Guirec Halflants, conseiller provincial et Jean-Philippe Florent, député régional. « Et d’autres ha sont déjà réservés en extension des parcs existants. Il y a donc des réserves pour 30 à 40 ans au rythme de développement actuel, et des terrains à mieux valoriser pour l’économie, notamment à Arlon. »
En réponse, Idélux estime qu’il faut préparer l’avenir maintenant et parle de nouvelle génération de parcs d’activités, le nouveau WEX de Marche et Schoppach figurant comme les deux sites pilotes pour ce concept qui repose sur dix thématiques : participation citoyenne, foncier, charte urbanistique et environnementale, biodiversité, mobilité, énergie, services et équipements, recyclage, gestion des eaux et numérique. « Le site de Schoppach sera le premier parc d’activités artisanal conçu sur base de ce référentiel », justifiait ce lundi Idélux dans son communiqué. « Il sera destiné à accueillir des petites et moyennes entreprises locales et non un parc commercial ni un parc industriel. Sur les 30 hectares du site, environ 17 seront dédiés à l’implantation d’entreprises. Près de 6 hectares seront dédiés à une réserve naturelle, gérée par le DNF et qui aura comme objectif de restaurer le biotope particulier des sablières et de parfaire le maillage avec les biotopes similaires situés à proximité. »
Mais créer de toutes pièces une réserve coincée entre une autoroute et un contournement à 4 bandes en vue de consolider un maillage pour les oiseaux, insectes et batraciens avec des réserves voisines, nous paraît quand même bien illusoire. Quoi qu’il en soit, Elie Deblire, président d’Idélux, ne cachait pas en décembre dernier que le message des zadistes avait poussé à la réflexion et permis de faire évoluer certaines choses. Il l’a encore redit ce lundi. Mais ce discours-là, teinté sans doute de bonnes intentions, reste insuffisant et indigeste pour les zadistes et leurs sympathisants qui veulent un changement de société beaucoup plus radical…